#QUSTEC Portrait : Un passionné de mathématiques pures dans la recherche industrielle
Pour Daniel Miller, tout a commencé par son amour des mathématiques pures et en particulier de l’algèbre linéaire. S’intéresser à la théorie de l’information quantique était une conséquence logique puisque, contrairement à d’autres domaines de la physique théorique, celui-ci fait une large place à l’algèbre linéaire plutôt qu’au calcul ou à d’autres sous-disciplines mathématiques.
Miller a commencé très tôt à s’intéresser à la théorie de l’information quantique. Alors qu’il étudiait encore la physique et les mathématiques à l’université Heinrich Heine de Düsseldorf, il a cosigné cinq articles scientifiques. Il était toutefois loin de se douter à l’époque que cette voie le mènerait tout droit vers l’un des endroits les plus passionnants pour la recherche industrielle sur l’information quantique, avec des résultats tangibles qui vont bien au-delà du laboratoire de recherche. Aujourd’hui, chez IBM Research, Daniel Miller contribue à façonner l’avenir de l’informatique, dont les ordinateurs quantiques sont amenés à constituer l’une des composantes fondamentales.
Dans ses publications en tant qu’étudiant, Daniel Miller a exploré des dispositifs tels que les répéteurs quantiques, qui pourraient aider à construire un futur internet quantique en compensant la perte de photons sur de longues distances dans les réseaux quantiques. Il s’est également penché sur l’importante question de la correction d’erreurs quantiques, une condition préalable à l’objectif à long terme de construire un ordinateur quantique universel réellement utile. Les recherches de D. Miller sur la correction d’erreurs quantiques ont déjà été utilisées dans la première démonstration d’un code de correction d’erreurs quantiques complet. Il s’est même aventuré dans le domaine de la cryptographie quantique, qui traite de l’utilisation des photons pour sécuriser les communications.
Après avoir obtenu ses deux diplômes de master, Miller était à la recherche de projets de doctorat susceptibles de l’inspirer. Il a rapidement trouvé une proposition correspondant à ses intérêts et à ses compétences dans le groupe de technologie quantique du laboratoire d’IBM Research Europe à Rüschlikon, près de Zurich. Son poste fait partie du programme QUSTEC, qui met en relation de jeunes chercheurs dans les sciences quantiques des universités de Bâle, Fribourg-en-Brisgau, et Strasbourg ainsi que du Karlsruher Institut für Technologie, de l’Institut Walther Meissner près de Munich et d’IBM Research.
« IBM Research est très réputé dans la communauté de l’informatique quantique. Avec ma formation en théorie de l’information quantique, IBM Research à Zurich est le meilleur endroit en Europe pour faire mon doctorat. J’espère élargir mon expertise à la chimie quantique et aux qubits à spin à trous dans les points quantiques en silicium », commente Miller.
En s’attaquant au domaine de la chimie quantique, Daniel Miller est excité à l’idée de contribuer à la résolution de certains des plus grands défis des algorithmes quantiques. « Il existe deux Graals en chimie quantique qui pourraient être atteints grâce aux ordinateurs quantiques. Le premier consiste à mettre au point un catalyseur pour la synthèse de l’ammoniac en simulant le centre actif de l’enzyme nitrogénase, qui résout ce problème chez les plantes. Le second Graal est la supraconductivité à température ambiante ».
Outre sa nouvelle aventure avec la chimie quantique, Miller profite de son doctorat pour explorer de nouvelles voies du côté matériel de l’informatique quantique. Il se concentre sur les qubits de spin à trous dans les points quantiques de silicium au sein du pôle de recherche national SPIN financé par le Fonds national suisse de la recherche scientifique. « Les plateformes de calcul quantique les plus avancées aujourd’hui sont les qubits supraconducteurs et les ions piégés. Les qubits à spin sont moins matures mais présentent des avantages potentiels et pourraient donc rattraper leur retard et peut-être même à terme prendre le relais », explique Miller. Il note toutefois qu’il s’agit d’une vision à long terme, qui ne pourra pas se concrétiser avant le terme de son doctorat.
Commencer son doctorat en plein milieu de la pandémie a bien sûr posé des problèmes. « Du fait du confinement, il me manque les échanges quotidiens avec mes collègues plus expérimentés. Ma productivité a chuté de manière significative depuis que nous avons pour consigne le télétravail », indique le jeune doctorant. Mais il ne baisse pas les bras. « J’essaie de limiter les dégâts en utilisant ce temps d’isolement pour continuer à travailler sur un article de recherche basé sur le sujet de mon mémoire de master. Et au cours de ce second semestre, je compte terminer en ligne tous les cours qui sont obligatoires pour l’obtention de mon doctorat. Cela m’évitera de devoir me rendre à l’université de Bâle lorsque celle-ci reprendra les cours sur le campus. »
Lorsqu’il n’est pas occupé à résoudre de complexes énigmes mathématiques, Daniel Miller consacre du temps à cultiver sa passion pour la musique, qui va du chant au piano en passant par le ukulélé. Il est heureux que son doctorat l’ait amené en Suisse. « J’apprécie vraiment ce que ce pays a à offrir en termes de beauté naturelle, les grands espaces et la tranquillité des Alpes ».
Leonid Leiva Ariosa / IBM