Une réflexion poussée sur des cellules moléculaires

Vivre le quotidien du laboratoire, rédiger les demandes de projet et réfléchir longuement : Les étudiants de l’université de Fribourg ainsi que ceux de l’École supérieure de Biotechnologie de Strasbourg (ESBS) de l’université de Strasbourg apprennent grâce au nouveau format « Master Labs » à concevoir et à mettre en œuvre des projets de recherche de manière autonome. A cet effet, ils doivent plonger profondément au cœur de la matière – et trouver parfois des pistes pour sortir de l’impasse. Une visite au laboratoire du cluster d’excellence CIBSS - Centre for Integrative Biological Signalling à Fribourg-en-Brisgau.
Les étudiants devaient déposer au préalable leur candidature afin de décrocher une place au sein du programme qui a eu lieu de juin à décembre 2019. Ce programme a rassemblé non seulement les étudiants en master de Fribourg mais aussi des étudiants du partenaire Eucor de Strasbourg qui pouvaient poser également leur candidature. Au laboratoire de Fribourg, trois groupes de travail de biologie chimique et biologie de synthèse donnent un aperçu de la recherche dans les domaines des signaux moléculaires : Prof. Dr. Maja Banks-Köhn, Prof. Dr. Barbara Di Ventura et Prof. Dr. Wilfried Weber ont constitué chacun des tandems franco-allemands et leur ont confié des tâches de recherche appelés « Challenges ».
« Pendant l’été, on pouvait choisir nous-mêmes celles qui nous intéressaient », raconte l’étudiante Amelie Kutschera qui fait de la recherche sur des enzymes appelées phosphatases dans le cadre d’un Challenge au sein du laboratoire de Banks-Köhn. Kutschera et son collègue de laboratoire doivent intégrer la protéine dans une membrane : « Nous développons un système in vitro réaliste pour cette enzyme : Ainsi, afin de pouvoir mieux l’étudier, nous l’insérons dans une sorte de vésicule » décrit-elle. « Cela pourrait permettre un jour de développer des médicaments contre le cancer du côlon ». Kutschera étudie à l’École supérieure de Biotechnologie de Strasbourg (ESBS) de l’université de Strasbourg. Les étudiants français viennent à Fribourg pour une durée de deux semaines pendant le semestre d’été et une durée de cinq semaines pendant le semestre d’hiver. « Les universités du programme Eucor nous financent l’hébergement dans un hostel pendant cette période » rapporte Kutschera.
Préparation de la thèse de master
Après avoir choisi un des challenges, les étudiants ont d’abord élaboré un plan de recherche pendant les cours en été. « C’est de cette manière que débute souvent une thèse de doctorat » explique Dr. Hanna Wagner, coordinatrice du programme Master Labs du CIBSS. « Ce programme prépare les étudiants à ce qui les attend dans le cadre du mémoire de master. De plus, s’ils comptent poursuivre en doctorat, ils auront déjà établi les premiers contacts, acquis de l’expérience et auront déjà participé à une conférence ». Kutschera de Strasbourg et Max Wiehl de l’Université de Fribourg se sont rendus ensemble à Heidelberg pour un symposium : « Nous étions les seuls étudiants là-bas. C’était vraiment quelque chose de particulier » se souvient Kutschera, « Peu de gens ont cette chance à l’université ». Pendant ces quatre jours, ils ont pu s’informer sur l’état actuel de la recherche dans leur domaine, échanger des idées avec des doctorants et établir des contacts avec des scientifiques. C’était une étape importante dans leurs parcours professionnels.
Mettre les projets en pratique
Les compétences non-techniques (dites soft skills) ne sont pas non plus négligées au sein du programme Master Lab : Au cours du semestre d’hiver, les étudiants apprennent, dans des cours spécialement conçus pour eux, ce qui est important en terme d’exposés et ce qui l’est dans la gestion du temps et des projets. « Pour notre candidature, nous avons dû établir un calendrier précis et indiquer les dates auxquelles nous espérions obtenir les résultats attendus » explique Wiehl. Son projet de recherche ainsi que celui de Kutschera ont été tout deux approuvés. Ils ont pu ainsi dès le mois de novembre commencer à mettre leurs idées en pratique. « C’est une phase intéressante pour les étudiants car ils peuvent désormais vérifier dans la pratique dans quelle mesure leur projet est prometteur », dit Wagner.
Les équipes travailleront sur leurs projets jusqu’à la fin du mois de décembre. « Certains d’entre nous veulent continuer en se basant sur leur thèse de Master » dit Wiehl. Lors de son expérience au Laboratoire Weber, ce dernier prévoit de coupler une protéine responsable de la croissance des cellules et des vaisseaux sanguins à une molécule photosensible. Cette technologie s’appelle l’optogénétique. Ainsi, la lumière bleue permet d’activer et de désactiver la protéine et de contrôler ainsi de manière précise la croissance des cellules. Des recherches supplémentaires dans ce domaine visent à clarifier le rôle de cette protéine dans le développement des tumeurs.
Apporter des idées et des approches nouvelles
« C’est cette longue réflexion que j’apprécie le plus », dit Kutschera. Une fois le challenge fixé, les étudiants doivent lire de la littérature authentique, rechercher des techniques, identifier les problèmes et proposer des solutions possibles. « À ce stade, il faut vraiment s’immerger dans la matière – réfléchir beaucoup plus, associer les idées, bien plus que ce que je faisais habituellement pendant mes études » insiste Kutschera. La créativité est ici également requise affirme Wiehl : « Les directeurs de thèse sont très ouverts aux nouvelles idées et approches. Le résultat du projet n’est pas fixé à l’avance. »
Cela signifie que les choses peuvent parfois ne pas fonctionner et que les étudiants soient amenés à optimiser la technique ou ajuster la planification du projet. C’est pour cela qu’ils apprennent aussi dans le cadre du Master Lab comment trouver des solutions. « Je suis convaincu que les projets seront réalisés avec succès » dit Weber. « Peut-être pas avec la solution prévue à l’origine. Néanmoins, lorsque je vois l’engagement et la créativité que les étudiants déploient dans ce projet, je suis persuadé qu’ils sauront considérer les obstacles calmement et qu’ils trouveront rapidement de nouvelles idées pour les surmonter. »
Mathilde Bessert-Nettelbeck
Master Labs
Apprendre à faire de la recherche dans des équipes interdisciplinaires : Les étudiants de master particulièrement motivés et performants ont la possibilité d’acquérir, dans le cadre du Master Labs, leurs premières expériences de recherche de manière autonome sous supervision scientifique et de préparer ainsi un doctorat ultérieur. L’accent est mis particulièrement sur la mise en réseau et l’échange avec d’autres étudiants en master, doctorants et chercheurs ainsi que sur le développement de leurs propres sujets et stratégies de recherche. Le programme s’étend sur deux semestres et se compose de cours en bloc. Il est le premier du genre à l’université de Fribourg et a été créé dans le cadre du cluster d’excellence CIBSS – Centre for Integrative Biological Signalling Studies en 2019. Pour le semestre d’été 2020, les étudiants en Master dans les domaines de la biologie, la chimie, la pharmacie ainsi que les étudiants de l’École Supérieure de Biotechnologie de Strasbourg peuvent poser leur candidature auprès du Master Lab CIBSS.