Vent en poupe pour Eucor – Le Campus européen : « Une chance historique unique »

Hans-Jochen Schiewer

Le gouvernement du Land de Bade-Wurtemberg veut développer le groupement universitaire Eucor – Le Campus européen en une université européenne. Le Prof. Dr. Hans-Jochen Schiewer, président d’Eucor – Le Campus européen et recteur de l’Université de Freiburg, nous explique dans le cadre d’un entretien avec Nicolas Scherger pourquoi il s’engage dans cette perspective d’avenir commune des universités du Rhin supérieur.

Monsieur Schiewer, comment se fait-il qu’Eucor – Le Campus européen bénéficie actuellement d’autant d’attention et de soutien de la part du monde politique et scientifique ?
Hans-Jochen Schiewer : Lors de son discours de la Sorbonne, en septembre 2017, le président de la République française, Emmanuel Macron, a étroitement lié l’idée de l’Europe au concept d’universités européennes. Il a ainsi déclenché un nouvel enthousiasme pour le projet européen, qui avait subi auparavant un revers important avec le référendum britannique en faveur du retrait de l’Union européenne. L’on observe par ailleurs depuis longtemps que la science est le moteur de la coopération transfrontalière dans la région du Rhin supérieur. C’est pourquoi les politiques ont également relié l’idée de l’université européenne à Eucor – Le Campus européen et identifié le groupement universitaire comme modèle. Une chance historique unique se présente ainsi à nous de ranimer l’idée de l’Europe : si nous offrons à nos étudiant(e)s, à nos scientifiques, à nos collaboratrices et collaborateurs la chance de vivre l’Europe comme une expérience quotidienne, il s’agit là d’une occasion extraordinaire de renforcer cette idée de l’Europe.

Pourquoi, à votre avis, le groupement est-il le modèle approprié pour concrétiser l’idée de l’université européenne ?
Il serait téméraire de croire que des universités de plusieurs États membres, ou associés, de l’Union européenne seraient en mesure de fusionner en très peu de temps. Il convient en conséquence d’envisager dans un premier temps l’université européenne sous forme d’un groupement de quatre ou cinq universités. Ces universités devront se situer dans une région commune et proposer des thématiques compatibles les unes avec les autres, mais aussi être clairement décidées à coopérer d’une manière particulière les unes avec les autres. Cela implique qu’elles ont besoin d’une stratégie, d’une gouvernance et d’un statut juridique propres pour être crédibles en tant qu’université européenne. Nous pouvons imaginer à long terme que ces universités se rapprocheront tellement les unes des autres au fil des décennies qu’on finira par les percevoir comme une institution unique.

Et ce groupement ne devra pas se limiter en termes de contenu ou de structure, mais englober les universités dans leur totalité ?
Une université se distingue par le fait qu’elle comporte trois éléments essentiels : l’enseignement, la recherche et l’innovation. C’est pourquoi il est fondamentalement important de promouvoir l’université européenne dans ces trois dimensions. Toute autre démarche n’apporterait aucune nouvelle qualité.

À quel niveau en sont les universités du Rhin supérieur – Bâle, Mulhouse, Strasbourg, Freiburg et le Karlsruher Institut für Technologie – dans leur développement commun vers une université européenne ?
Nous avons envisagé l’idée de nous développer en une université européenne dès 2012. Nous avons vu dans cette idée une excellente opportunité de regrouper nos positions de pointe au niveau mondial dans de nombreux champs de recherche, de compléter mutuellement nos compétences et d’exprimer nos atouts communs. Nous avons donc décidé de nous donner un statut juridique commun. Nous avons créé en 2015 le premier Groupement européen de coopération territoriale (GECT) constitué d’universités. Ce statut nous permet de déposer conjointement en Allemagne, en France et en Suisse et auprès de l’Union européenne des demandes de financement pour des projets de recherche et d’enseignement. Nous sommes aujourd’hui naturellement très heureux de constater que cette idée, qui nous a stimulés dans la région, a été reprise et est devenue une plate-forme pour le projet européen – nous y voyons là une validation de notre parcours.

Quels exemples peuvent-ils dès à présent témoigner de la qualité de cette coopération ?
Notre stratégie consiste à identifier dans les domaines de la recherche et de l’enseignement les secteurs dans lesquels la coopération nous permet d’obtenir une plus-value notable. Un exemple dans la recherche : la physique quantique et les technologies quantiques, aucune université membre d’Eucor – Le Campus européen n’avait pu atteindre seule un poids significatif dans ce secteur, mais nous sommes l’un des sites les plus forts d’Europe en tant que groupement. Nous avons élaboré un projet commun et obtenu en l’espace d’un an que la fondation Endress & Hauser Stiftung nous apporte un soutien financier de dix millions de francs suisses. Cela indique nous pouvons convaincre immédiatement avec des décisions stratégiques et des plus-values claires et précises. Et nous coopérons depuis longtemps déjà dans le domaine de la recherche : tout(e) étudiant(e) inscrit(e) à l’une des cinq universités membres peut suivre des séminaires et des cours dans l’ensemble du Campus européen et utiliser les bibliothèques de toutes les universités. Nous avons par ailleurs mis en place des cursus binationaux ou trinationaux, qui se terminent souvent avec des doubles diplômes de deux ou trois universités membres. Il nous reste toutefois encore de grands défis à relever – par exemple l’instauration d’un ticket semestriel pour le Campus européen afin d’augmenter et faciliter la mobilité des étudiant(e)s.

Quel profil les Campus européen souhaite-t-il développer dans les années à venir ?
Nous nous sommes fixé un objectif précis : nos services stratégiques, International Offices et Service Center Studium développeront des synergies et nous voulons harmoniser nos règlements des études, programmes d’enseignement et cours. En ce qui concerne le transfert de technologies, nous pouvons également nous imaginer mettre en place des structures communes. Nous avons un projet phare dans le domaine de la recherche, dans lequel nous décrivons les infrastructures des cinq universités, sur cette base nous élaborons un concept d’utilisation et développons les infrastructures des différents sites de sorte à nous compléter mutuellement.

En quoi un tel projet peut-il contribuer à la formation d’une identité européenne ?
À mon sens, la qualité particulière de notre région réside dans le fait que le Rhin supérieur constitue une petite Europe à lui seul. Nous pouvons ici directement nous immerger dans d’autres espaces culturels et manières de penser de sorte à pouvoir appréhender l’Europe dans toute sa diversité. Nous voulons dans ce contexte former des jeunes cadres qui considèrent l’Europe comme base de leur pensée et ne définissent plus leur identité uniquement en fonction de leur pays ou leur région d’origine.

Communiqué de presse du ministre d’État du Bade-Wurtemberg

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